Nos organisations appellent les personnels à faire de la semaine du 13 mai une semaine d’amplification de toutes ces mobilisations avec une journée de grève le 14 mai avec un rassemblement à 14h devant le rectorat de Lyon et l’organisation d’une journée « collège désert » le 16 mai, comme c’est déjà prévu dans certains établissements.
Elles appellent les personnels à se réunir afin de débattre des suites et des modalités de la mobilisation.
Elles appellent à participer massivement aux manifestations unitaires avec les parents d’élèves du samedi 25 mai « contre le choc des savoirs, pour le choc des moyens et des salaires pour l’École publique ».
Dans une lettre aux chef-fs d’établissement, le rectorat de Lyon fait un aveu d’impuissance face aux opérations « collège désert » qui unissent personnels et parents d’élèves.
La liberté d’expression est bien garantie aux fonctionnaires et si les prof. ne peuvent pas distribuer de tracts en classe, iels peuvent par contre bien le faire au sein de leurs collectifs en dehors de l’établissement scolaire.
(Les représentant-es des parents d’élèves peuvent également communiquer via les carnets de liaison et par les adresses mails.)
Les banderoles affichées par les collectifs sur les grilles et façades des établissements scolaires peuvent (ou pas) être enlevées par la propriétaire du bâtiment… C’est la Métropole pour les collèges !
Pour rappel, la liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires par la loi dite Le Pors (article 6 de la loi 83-634, Titre I du Statut Général) (voir interview en fin d’article)
Sur l’exécution incomplète des obligations de service :
Lors d’une une opération « collège désert », les enseignant-es doivent prendre en cours les élèves présent-es… et rester sur leur lieu de travail même s’il n’y a pas d’élève afin de ne pas être compté-es comme grévistes.
Nous remettons ici l’interview d’Anicet Le Pors, auteur du statut, réalisée par le groupe de travail juridique de Sud Education. On lui doit également l’ensemble des décrets garantissant les droits syndicaux des fonctionnaires (décrets 82-447 à 82-453).
Sud éducation :
Monsieur Le Pors, comme vous le savez, nombre de nos collègues se voient reprocher « un manquement à l’obligation de réserve ». Pouvez vous nous confirmer que cette notion n’existe pas pour les fonctionnaires dans la loi et expliquer pour le profane la notion de « construction jurisprudentielle complexe » ?
Anicet Le Pors :
Non, l’obligation de réserve ne figure pas dans le statut général des fonctionnaires. Ce n’est pas un oubli, mais une décision réfléchie prise en 1983. Pour la première fois nous avons écrit la liberté d’opinion des fonctionnaires dans le statut. S’est aussitôt posée la question de savoir s’il fallait la compléter par la liberté d’expression. Mais on comprend bien que cette dernière, si elle doit être conçue de la plus large façon, ne peut être illimitée. D’aucuns ont alors soutenu que si l’on inscrivait la liberté d’expression dans le statut, il fallait aussi fixer sa limite : l’obligation de réserve. J’ai estimé qu’il y avait plus de risques que d’avantages à retenir cette solution, d’autant plus que si la liberté d’opinion est de caractère général, la liberté d’expression prend différentes significations en fonction des circonstances, de la place du fonctionnaire dans la hiérarchie et qu’il revenait au juge, par la jurisprudence progressivement établie de trancher tous les cas d’espèce.
Sud éducation :
Une confusion est souvent faite entre devoir de réserve et devoir de discrétion professionnelle. Pouvez nous nous expliquer la différence en prenant l’exemple d’un directeur d’école ?
Anicet Le Pors :
L’article 26 du Titre premier du statut général portant droits et obligations des fonctionnaires pose en effet que les fonctionnaires sont tenus à la discrétion et au secret professionnels. Cela veut dire simplement qu’ils ne peuvent rendre publiques des données confidentielles de l’administration ni faire état d’informations confiées par des particuliers dont ils pourraient avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. L’application au cas d’un directeur d’école est simple et évidente : d’une part il ne peut révéler l’intégralité des informations administratives (délibérés, données formellement reconnues comme confidentielles par la loi, positions personnelles des enseignants…) ; d’autre part il ne peut faire n’importe quel usage des informations communiquées par les élèves ou les parents. Mais cela n’a rien à voir avec l’obligation de réserve.
De même on évoque parfois le « devoir d’obéissance » du fonctionnaire. Celui-ci, pas plus que l’obligation de réserve, n’est mentionné dans le statut qui, en la matière (article 28), met l’accent sur la responsabilité individuelle du fonctionnaire plutôt que sur le principe hiérarchique.
Sud éducation :
Dans vos propos, vous distinguez souvent deux conceptions du fonctionnaire : l’une sur le fonctionnaire-sujet, issue de la tradition conservatrice, l’autre sur le fonctionnaire-citoyen. Pourriez vous en dire quelques mots ?
Anicet Le Pors :
On a du mal aujourd’hui à prendre conscience que pendant tout le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle prévalait le principe hiérarchique et la conception du fonctionnaire-sujet que Michel Debré exprimait encore en 1954 par la formule : « Le fonctionnaire est un homme de silence, il sert, il travaille et il se tait ». Les organisations de fonctionnaires, par réaction, étaient contre l’idée même d’un statut regardé comme un carcan. C’est dire l’ampleur du revirement démocratique qu’a été le statut des fonctionnaires de 1946. En 1983, nous avons donné une portée encore plus grande aux droits des fonctionnaires en même temps que nous intégrions dans le statut les agents publics des collectivités territoriales, des établissements publics hospitaliers et de recherche (5,4 millions de personnes soit 20 % de la population active). C’est ce que j’ai appelé la conception du fonctionnaire-citoyen.
Sud éducation :
En conclusion, vous nous confirmez qu’un fonctionnaire, même de catégorie À comme les enseignants et directeurs d’école, ne risquent pas grand chose à donner publiquement leur opinion sur la politique et les orientations du gouvernement, du maire, du conseil général, du recteur, voire de leur chef d’établissement car ils ne disposent pas de fonctions d’autorité ?
Anicet Le Pors :
Ce n’est pas aussi mécanique. Je ne peux pas me réclamer de la conception du fonctionnaire-citoyen et garantir des règles qui s’imposeraient en toutes circonstances. Les principes et les règles de droit une fois posés, c’est aux intéressés eux-mêmes de s’interroger en permanence sur les conditions d’exercice de leur responsabilité et cela ne peut aller sans risques, sans confrontations, sans succès ni échecs [1]. En revanche, je veux dire clairement que, dans cette exigence complexe de l’exercice des droits, je préfère l’action collective aux manifestations singulières.
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Anicet Le Pors est né à Paris en 1931. Mais il est aussi un Breton revendiqué.
Anicet Le Pors a débuté sa carrière professionnelle au sein de la Météorologie Nationale, comme ingénieur. Puis il est devenu économiste au ministère de l’Économie et des Finances.
Sénateur des Hauts-de-Seine, il devient en 1981 l’un des quatre ministres communistes du gouvernement de gauche, chargé de la Fonction Publique et des Réformes Administratives. C’est à ce titre qu’il élabore et défend devant le Parlement les lois portant sur le Statut Général des Fonctionnaires qui portent son nom.
Les ministres communistes quitteront le gouvernement en 1984.
En 1985, il est nommé Conseiller d’État.
S’il s’est éloigné du Parti Communiste en 1994, Anicet Le Pors demeure un militant, intervenant dans des réunions publiques lorsqu’il est sollicité. Il rédige des articles, écrit et préface des livres. Il est devenu un des plus ardents défenseurs du service public, de la laïcité et du droit d’asile.
[1] Sur ce point voir : Anicet Le Pors, « La déontologie des fonctionnaires : le plein exercice de leur citoyenneté » dans l’ouvrage collectif La déontologie des cadres publics, Éditions scérén, août 2012.