L’accueil des élèves allophones par l’éducation nationale est à l’image de l’accueil des étranger·es par la France. Le durcissement des lois sur l’immigration a un impact sur la scolarisation de ces élèves et de leurs familles qui sont aujourd’hui qualifié·es de « migrant·es ». Nous avons de plus en plus d’enfants de famille sans papier et à la rue, mais aussi de Jeunes isolé·es étranger·es, dans nos classes. Par ailleurs, les élèves français⋅es allophones rencontrent les mêmes problématiques et ne bénéficient trop souvent d’aucun dispositif spécifique. Le capitalisme, loin d’ouvrir les frontières, souhaite une immigration maîtrisée, pour ne pas dire « choisie », en témoigne les dernières lois « asile et immigration » votées en septembre 2018 par le gouvernement Edouard Philippe.
Utiliser le terme « migrant·e » n’est pas anodin. Il sert le système capitaliste dans le sens où il lisse la notion d’étranger·e, il exclut de fait l’étranger·e qui ne doit pas rester en France. Il stigmatise les personnes d’un autre pays en ancrant dans nos représentations l’image du ou de la migrant·e de passage, vivant dans une « Jungle de Calais ». SUD éducation préfère le terme d » immigré·es qui raconte une histoire, celle de l’immigration et des luttes. Il marque une volonté de rester dans le pays choisi.
A l’école aussi, les CLIN (classe d’initiation ), les CLA (classe d’accueil) et les CLA-ENSA (Élèves Non Scolarisé⋅es antérieurement) ont été remplacées par des dispositifs UPE2A et UPE2A-NSA avec la circulaire d’octobre 2012 signée Jean Michel Blanquer (déjà!). L’idée principale était d’inclure davantage les élèves dans leur classe d’affectation. En réalité, l’Éducation nationale a fait des économies en supprimant des heures pour récupérer des postes. En effet, dans les classes d’accueil les élèves bénéficiaient de 23 à 26 heures de cours par semaine. Aujourd’hui dans les dispositifs les élèves n’ont plus que 9 à 18 heures de cours hebdomadaires. Dans le 1er degré la notion de dispositif a permis à l’administration de ne fixer aucune limite au nombre d’élèves accueilli·es. S’ajoute à cela un parcours des familles très difficile pour intégrer un dispositif, un racisme institutionnel et une orientation déterminée. Sans compter la problématique du logement et des démarches administratives qui ne facilitent pas des apprentissages dans de bonnes conditions.
Les conditions de vie et de scolarisation des élèves allophones
L’espace d’accueil est le lieu unique d’accueil pour la scolarisation des enfants allophones de 6 à 17 ans. Les familles ont un entretien et les élèves sont testé·es dans la langue première. Suite à ce test, la famille reçoit une proposition d’affectation. Cette proposition d’affectation passe par un service du rectorat qui envoie une notification à la famille et à l’établissement retenu.
Il se passe environ deux mois entre la prescription d’affectation de l’espace d’accueil et cette notification. À noter, beaucoup d’erreurs du service du rectorat qui surcharge des dispositifs alors que d’autres sont vides. La notification stipulant l’établissement d’affectation n’arrive pas toujours aux familles.
Pour cause le problème du logement : l’adresse postale n’est pas toujours fixe, elle peut aussi être inexistante ou temporaire. Les logements des familles demandeuses d’asile sont toujours temporaires tant que la demande d’asile n’est pas traitée. Elles sont logées en CADA dans le meilleur des cas. Et pour les « Jeunes isolé·es étranger·es », les choix budgétaires des collectivités se font la plupart du temps au détriment d’un suivi individualisé. Débordé·es, les éducateurs et éducatrices doivent faire face à des hébergements éclatés et précaires (foyers,hôtels…) qui rendent l’accueil de ces jeunes indigne.
Les services du rectorat n’assurent pas un réel accompagnement des élèves allophones, les fiches pédagogiques sont transmises avec des délais trop longs et de manière incomplète à l’enseignant·e d’UPE2A référent·e environ 4 mois. L’établissement ne peut connaître du ou de la nouvel·le élève que son nom et sa date de naissance (même pas sa langue première).
Dans l’établissement l’Inscription peut être un parcours complexe : comprendre où est situé l’établissement, s’y rendre, remplir un dossier d’inscription, fournir des papiers que l’on ne possède pas.…
Une seule année en dispositif UPE2A est insuffisante pour une inclusion totale dans une classe. Ces élèves ont besoin de temps, ils·elles ont vu et vécu parfois des événements très lourds et marquants dans leur pays d’origine. L’école capitaliste, dans sa course à la sélection et au tri, ne s’intéresse pas à ces élèves. Dès lors, aucune orientation choisie n’est possible : les élèves sont voué·es à l’échec ou à combler les secteurs en manque de main d’œuvre. Quasiment aucun·e élève allophone en 3ème ne part en seconde générale, ils·elles sont presque toutes et tous orienté·es en voie professionnelle mais depuis 2019, il n’y a plus de CAP prioritaire après la 3ème.
Une fois l’orientation prononcée, l’élève peut parfois renoncer et n’a donc aucun diplôme.
La problématique de l’enfant allophone en situation de handicap est non reconnue.
Les Inclusions sont compliquées du fait de la surcharge des effectifs dans les classes et parfois à la multiplicité des dispositifs (ULIS ou autres) à l’intérieur d’un même établissement. Les collègues sont alors réticent·es, ils et elles oublient d’inclure les élèves allophones lors des voyages scolaires ou des sorties. En effet, les démarches et formalités administratives pour participer à des sorties se compliquent lorsqu’un·e élève est sans papier, sans argent, à la rue, sans accès à internet avec une famille non-francophone et que le·la collègue ne trouve pas d’interprète.
SUD éducation dénonce l’hypocrisie de l’Éducation nationale : dans les textes il y a bien obligation de scolarisation des enfants étranger·es sur le territoire français, en réalité les moyens alloués pour ces élèves se réduisent à peau de chagrin depuis 2012 et sont insuffisants au vu de leurs conditions de vie. La bourse est difficilement accessible tout comme la gratuité de la cantine. Et quand les familles obtiennent la bourse, l’argent sert d’abord à payer la cantine.
Pire encore, l’état capitaliste utilise parfois l’école pour arrêter les parents des élèves sans papiers avec l’aide de sa police. Le lien avec RESF est à poursuivre et même à amplifier. Aujourd’hui, le cadre national de la « Marche des solidarités » est structurant pour les luttes pour l’égalité des droits entre français·es et immigré·es. SUD éducation proposera d’y inscrire la question de la jeunesse immigrée scolarisée comme axe revendicatif. SUD éducation, en s’appuyant sur les collectifs et les dynamiques locales, portera également comme objectif la construction d’une date de mobilisation nationale sur la question des injustices que vivent les Jeunes isolé·es étranger·es. Nous revendiquons la scolarisation des jeunes en procédure de reconnaissance de leur minorité qui ne doivent pas être privé·es de leurs droits en attente de la décision. La majorité n’est pas un argument pour confisquer le droit à l’éducation d’autant plus que ça ne l’est pas pour les élèves de nationalité française.
Le racisme institutionnel et intériorisé qui touche aussi les élèves allophones
Les élèves d’UPE2A vivent le racisme ordinaire et institutionnel, de manière parfois plus violente que les autres élèves.
Certains personnels ou élèves, partant du principe qu’ils et elles arrivent directement d’un pays étranger, fantasment une appartenance à une culture, à une religion avec tous les stéréotypes et préjugés associés dans leurs esprits à cette culture ou à cette religion.
Les paroles et les faits et gestes des UPE2A sont scrutés, souvent inconsciemment, car ils pourraient être des signes de remise en cause de la laïcité et des fameuses « valeurs de la République », trop souvent instrumentalisées de manière raciste.
S’il convient de faire preuve de pédagogie et de formation auprès de nos collègues, il est également nécessaire de repérer et combattre toutes les formes de discrimination auprès de nos élèves et de leurs familles.
Revendications :
– Double inscription des élèves allophones, en les comptabilisant dans l’effectif global, ce qui permettrait d’abaisser les moyennes de classes dans les établissements concernés pour favoriser leur intégration.
– Des effectifs de 15 élèves maximum en UPE2A et 12 élèves maximum en UPE2A-NSA.
– Des personnels formé·es aux besoins spécifiques des élèves allophones (développer l’enseignement du Français Langue Seconde au moyen de décharges horaires ?).
– Ouvrir des classes d’accueil sur tout le territoire.
– Les UPE2A doivent être ouverts à côté des structures qui accueillent des étranger·es.
– Pas d’UPE2A à mi-temps sur une école.
– Une formation pour les personnels qui accueillent les élèves allophones.
– L’abrogation du Code de l’entrée et du séjour du droit d’asile.
– Pour le retour à une classe d’accueil et non un dispositif.
– Pour la scolarisation inconditionnelle des jeunes étranger·es allophones au sein du service public d’éducation indépendamment de l’âge, la nationalité et du statut administratif (avec ou sans-papiers).
– Pour la réappropriation du terme d’immigré·e lié à une histoire d’immigration, de colonisation et de luttes.
– Pour des personnels pérennes et qualifiés dans les espaces d’accueil.
– Pour plus d’espaces d’accueil.
– Retour aux classes d’accueil fixes dans les écoles et les établissements avec des enseignant·es spécialisé·es pour accueillir les élèves allophones à la place des actuels dispositifs UPE2A.
– Pour une durée d’accueil des élèves dans les dispositifs adaptés aux besoins de chaque élève pour une orientation choisie et non subie.
– Pour la suppression d’Affelnet.
– Pour l’enseignement des langues d’origine des élèves dans les établissements.
– Pour des postes d’interprètes dans l’éducation nationale.
– Pour la réquisition de logements, notamment les logements de fonction vides dans l’éducation nationale, pour la mise à disposition de logements pérennes et salubres pour l’ensemble des familles mal-logées, et contre les expulsions des squats
– Pour la réquisition de logements, notamment les logements de fonction vides dans l’éducation nationale, et l’ouverture de squats.
– Pour l’arrêt des OQTF et des expulsions, pour la délivrance sans conditions de titres de séjour vie privée et familiale pour toutes et tous les Jeunes isolé·es étranger·es et de tou·tes les élèves dit·es sans papiers.
– Pour l’auto-formation entre pairs associée a une formation spécifique, destinée à l’ensemble des personnels et dispensée par des personnes qualifiées (hors Éducation nationale).
– Pour l’ouverture des frontières.
– Pour la régularisation des familles des élèves allophones