Cet article a été publié le 02/01/2021
Les suicides de Doona et de Luna rappellent le manque de formation et de moyens pour lutter contre LGBTphobies, et plus particulièrement la transphobie en milieu scolaire.
La communication du rectorat et du ministre Blanquer souligne le manque de formation des personnels à commencer par le ministre lui-même qui désigne Luna en persistant à ne pas utiliser le bon pronom personnel. Quand l’éducation nationale n’accompagne pas un-e élève ou un personnel dans sa transition de genre, qu’elle refuse de l’appeler par le prénom et le pronom choisis, elle exerce une maltraitance institutionnelle. Les personnels et les élèves ont principalement besoin d’écoute, d’accompagnement, de suivi et de soutien. L’institution doit réagir.
1 Quelques éléments de définition
- Cisgenres : Les personnes qui s’identifient au genre auquel elles ont été assignées à la naissance sont cisgenres.
- Transidentité : La transidentité est le fait de ne pas s’identifier au genre auquel on a été assigné-e- à la naissance. Ce terme met l’accent sur l’identité sociale plutôt que sur la sexualité. On préfère parler des personnes trans plutôt que de transsexuel·e·s/transgenres/transidentitaires, ce qui permet d’être le plus inclusif possible. Cela englobe toute personne ayant fait ou souhaitant faire le choix d’une transition, qu’elle choisisse ou non d’avoir recours à des traitements médicaux et/ou des chirurgies dans cet objectif.
- Un homme trans est une personne qui a été assignée femme à la naissance mais qui est un homme.
- Une femme trans est une personne qui a été assignée homme à la naissance mais qui est une femme.
- Non binarité : Une personne non-binaire est une personne qui ne se reconnaît pas dans la binarité femme/homme.Le fait de ne pas s’identifier au genre d’assignation ne signifie pas nécessairement s’identifier à l’autre genre établi par la norme hétéropatriarcale.
- Personne intersexe : (définition de l’ONU) Les personnes intersexes sont nées avec des caractères sexuels (génitaux, gonadiques ou chromosomiques) qui ne correspondent pas aux définitions binaires types des corps femelles ou mâles. Être intersexe est bien plus répandu qu’on ne le pense. Parce que leur corps est considéré comme différent, les enfants et adultes intersexes sont souvent stigmatisés et subissent de multiples violations de leurs droits humains, tels que le droit à la santé, à l’intégrité physique, à l’égalité et à la non-discrimination et le droit à ne pas être soumis à la torture ou à de mauvais traitements.
L’assignation de genre est un processus qui commence dès la période prénatale et a été largement étudié par le mouvement féministe. Il consiste à attribuer un genre, à établir une série de comportements attendus et dans le même temps une série de comportements condamnés, en fonction de ce genre. Dans notre société hétéropatriarcale tou-te-s les enfants sont assigné-e-s à un des deux genres, même les enfants intersexes. Ce genre est établi sur la base des organes génitaux externes visibles à la naissance, selon des critères cissexistes (imposant le point de vue cisgenre comme dominant). Les enfants intersexes sont mutilé-e-s pour que leurs organes correspondent à ces critères et faciliter leur perception par le corps médical et leur famille comme appartenant bien à un de ces deux genres : masculin ou féminin.
Il faut bien distinguer l’identité de genre de l’orientation sexuelle qui sont deux aspects de la personnalité indépendants l’un de l’autre :
- L’identité de genre : l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun-e, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance.
- L’expression de genre : c’est la manière dont une personne affiche son genre. Elle l’exprime à travers ses tenues vestimentaires, son comportement, son maquillage, le choix des pronoms. C’est ce qui est traditionnellement considéré comme être masculin-e ou féminin-e. L’expression de genre n’est pas forcément en corrélation avec l’identité de genre d’une personne.
- L’orientation sexuelle : c’est la capacité de chacun-e de ressentir une profonde attirance émotionnelle, physique et/ou sexuelle envers des individus du sexe opposé et/ou de même sexe, et d’entretenir des relations intimes et sexuelles avec ces individus.
La transition
La plupart des personnes transgenres envisagent une transition de genre. Pour être reconnues dans leur véritable genre et pour être en accord avec elles-mêmes, elles vont procéder à des changements dans leur vie (transition sociale) et/ou suivre des traitements médicaux (transition médicale).
La transition sociale, c’est l’ensemble des changements qu’une personne trans peut faire pour être reconnue dans son véritable genre :
- un nouveau prénom,
- les pronoms (« il », « elle » ou un pronom non-binaire comme « iel »).
- les tenues vestimentaires
La transition médicale
Cela prend en général la forme d’un traitement hormonal et/ou de chirurgie et/ou de traitements paramédicaux.
Le traitement hormonal est le plus souvent prescrit par un endocrinologue. Il s’agit d’hormones masculinisantes ou féminisantes qui permettent d’acquérir petit à petit certaines caractéristiques physique du genre que l’on souhaite présenter. C’est un traitement au long cours, souvent à vie, dont certains effets sont irréversibles. Ces hormones jouent notamment sur les formes du corps, la masse musculaire et la pilosité.
Il est également possible de subir des interventions chirurgicales, comme des chirurgies génitales mais aussi des chirurgies mammaires (visant à augmenter ou au contraire à supprimer la poitrine) ou du visage.
Enfin, il est possible de suivre des traitements paramédicaux tels que l’épilation définitive au laser ou la rééducation de la voix avec un orthophoniste.
Dans la transition sociale comme dans la transition médicale, aucune étape n’est obligatoire.
- Transphobie : Rejet ou haine des personnes trans et/ou des transidentités. Elle peut s’exprimer de manière ouverte et violente ou de manière plus insidieuse. Les enfants sont aussi impacté-e-s par le sexisme et l’hétéropatriarcat (les injonctions présentes dans les productions culturelles notamment).
SUD éducation revendique :
- le respect du prénom et du pronom d’usage, changement d’état civil libre et gratuit en mairie sans intervention des pouvoirs judiciaires et médicaux
- Le respect des tenues vestimentaires en cessant de genrer les vêtements
2 Quelques axes sur lesquels nous devons être particulièrement vigilant-e-s pour assurer la sécurité psychologique et physique de l’élève et de l’adulte
- Veiller à ne pas renforcer artificiellement l’assignation de genre des enfants et adolescent-e-s avec une éducation non genrée, grâce à la mise en œuvre de pédagogies antisexistes. Mais cela signifie aussi ne pas astreindre les élèves à des tenues différenciées, à des équipes ou à une non mixité telle qu’elle est pratiquée dans l’éducation nationale
- Sécuriser un environnement bienveillant pour permette à l’élève et à l’adulte de vivre dans le genre qui lui correspond en laissant de la place pour que la transidentité s’exprime par des discours inclusifs, par la visibilité des thématiques trans dans les supports pédagogiques, dans la littérature, mais aussi par des exercices de théâtre par exemple, on peut permettre aux élèves et collègues trans de se sentir dans un cadre sécure. Cela peut passer par exemple par demander aux élèves et collègues le prénom qu’illes veulent pour elles et eux-mêmes, et le pronom ainsi que les accords.
- Écouter et Soutenir les élèves et collègues trans de façon individualisée
Un-e élève ou un-e collègue qui fait un coming-out trans, à une seule personne ou beaucoup plus publiquement, doit être extrêmement entouré-e et soutenu-e. Il importe que l’équipe pédagogique/les collègues soutiennent la personne et ce de façon très concrète : faciliter le changement de prénom dans les documents courants, utiliser systématiquement le bon genre pour s’adresser à elle, mais aussi en parlant d’elle même en son absence ; soutenir matériellement si nécessairement (pour l’achat d’une garde-robe, d’accessoires…), se montrer particulièrement vigilant-e vis-à-vis des signes de mal-être qui pourraient apparaître ou s’aggraver. Il est toujours utile de prendre contact avec des associations d’auto-organisation trans et de mettre élève ou collègue en contact avec elles également pour rompre son isolement. - Se baser sur l’auto-définitionIl est important de laisser les élèves, qui sont des enfants et/ou des adolescent-e-s, et les collègues se définir elles/eux-mêmes. Cela signifie qu’une personne qui n’est pas conforme aux normes du genre qui lui a été attribué à la naissance n’est pas trans tant qu’elle ne l’a pas déclaré. Il existe des femmes qui correspondent plutôt à des normes de genre masculines et des hommes qui correspondent plutôt à des normes de genre féminines (des femmes ou des hommes cis…ou trans).Proposer des solutions pour les espaces genrés dans l’établissement (toilettes et/ou vestiaires) et soutenir l’élève dans sa volonté d’utiliser un espace qui lui semble plus adapté Ne pas parler de la transidentité d’une personne à sa famille ou à d’autres personnes sans sa demande explicite.
SUD Éducation REVENDIQUE
- l’élaboration de matériel pédagogique spécifique sur les questions de transphobie
- la nécessité pour l’administration de soutenir, aider et défendre tous les membres de la communauté éducative qui, du fait de leur identité de genre, subiraient diverses formes de brimades, de harcèlement ou de discriminations, d’où qu’elles viennent (élèves, administration, collègues, parents). L’administration doit accompagner ces membres dans leurs démarches, y compris dans le cadre d’un changement de genre et/ou d’identité, en veillant à leur assurer un environnement sécurisé pour qu’ils puissent effectuer leur parcours sans être mis en danger dans leur milieu éducatif et professionnel
- La mise en œuvre d’une éducation aux sexualités avec de véritables moyens : du temps, des personnels formés et de l’argent
- Augmenter les moyens alloués aux associations d’éducation aux sexualités comme le planning familial.
- la ré-intégration du concept de genre dans les textes officiels et sa prise en compte dans des programmes élaborés par la communauté éducative.
- la mise en place de dispositifs dédiés (comme l’étaient les ABCD de l’égalité) permettant aux élèves de réfléchir spécifiquement aux discriminations et stéréotypes de genre, et de les déconstruire
- une politique de prévention (campagne d’information sur les ambiances de travail sexistes, affichage de la loi sur le harcèlement sexuel) et de suivi (accompagnement des victimes dans leurs démarches, notamment judiciaires), et la mise en place systématique de la protection fonctionnelle, qui est de droit ;
3 Les réponses possibles face aux LGBTIphobies
Ce que dit la loi :
- L’article 225-1 du Code Pénal fait entrer dans le champ des discriminations les critères d’orientation et d’identité sexuelles.
- L’article R 624-3 et s. sanctionne injures et diffamations non publiques liées à l’identité et l’orientation sexuelles.
- L’article 132-77 du Code Pénal stipule que « dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l’infraction est commise à raison de l’orientation ou identité sexuelle de la victime ».
- L’article 1132-1 du Code du travail précise que « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, […] en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge… ».
Témoin ou victime de discriminations LGBTIphobies, que faire ?
- intervenir dans la conversation, reprendre les blagues déplacées : il est essentiel de ne pas laisser une ambiance sexiste/LGBTIphobe s’installer sur le lieu de travail. S’identifier comme allié-e ou personne concernée est une marque de soutien psychologique importante pour un-e collègue LGBTI victime de discrimination.
- dans les conversations, visibiliser l’alternative homo/hétéro, faire comprendre à ses collègues que l’espace de parole est bienveillant sur les questions LGBTI, respecter le prénom choisi et le pronom adapté pour les femmes ou hommes trans.
- Localement* s’il s’agit d’un membre du personnel, contacter les représentant-e-s des syndicats, votre section SUD s’il y en a une : écoute et soutien, accompagnement auprès de la direction, aide pour la procédure pénale…vos représentant-e-s sont là pour ça ! Le syndicat peut se porter partie civile avec la victime au pénal* s’il s’agit d’un-e élève, agir en concertation avec la vie scolaire et les personnels médico-sociaux, notamment l’assistant-e social-e
- inscrire les faits au Registre Santé Sécurité au Travail qui doit être à disposition des personnels et des élèves, dans un lieu neutre, pour consigner les risques matériels et psycho-sociaux : il a valeur juridique, l’employeur a obligation de répondre aux faits qui y sont consignés. Cela permet de consigner précisément actes, dates pour ensuite soulever les problèmes en CHS voire en CHSCT (qui peut être saisi directement par les salarié-e-s). La direction a obligation de le viser et d’apporter des réponses aux problèmes soulevés
- prendre contact avec des associations comme SOS homophobie, les Enfants d’Arc en ciel, OUTrans, pour avoir une écoute extérieure et au fait du suivi de ces questions. Elles peuvent offrir écoute et conseilsParmi elles : SOS Homophobie0810 108 135 ou 01 48 06 42 41www.sos-homophobie.org/
- Saisir la Défenseure des DroitsElle peut être saisi par toute personne qui s’estime victime de discrimination. Une fois saisi, elle dispose de pouvoirs d’enquête et d’audition. La Défenseure des Droits peut permettre :* une médiation : désigné par la Défenseure des droits, le médiateur entend les personnes concernées. La médiation ne peut excéder 3 mois renouvelable 1 fois ;* une transaction : la Défenseure des droits propose à l’auteur des faits une ou plusieurs sanctions (versement d’une amende, indemnisation de la victime, publicité des faits). En cas d’acceptation, la transaction doit être homologuée par le ou la procureur-e de la République ; * une action en justice : si la Défenseure des droits a connaissance de faits de nature à constituer une infraction ou si l’auteur refuse la transaction, la Défenseure des droits saisit le ou la procureur-e de la République. 09 69 39 00 00 www.defenseurdesdroits.fr
- Porter plainteLes faits de discrimination relèvent du tribunal correctionnel. La victime a 3 ans pour porter plainte. Les auteurs encourent des peines pouvant aller jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende. Si les auteurs ont agi comme agents publics ou comme responsables d’un lieu accueillant du public, les peines peuvent aller jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 € d’amende.En cas d’injure homophobe, la victime a 3 mois pour porter plainte. Pour une injure publique à l’encontre d’une personne ou d’un groupe, la peine encourue est de 6 mois de prison et 22500 euros d’amende. Pour une injure non publique (dans un cercle restreint de personnes), la contravention est de 750 euros maximum.
- Rappeler le devoir de protection fonctionnelle de la part du MEN à l’égard de ses salarié-e-s : l’administration doit protéger ses agent-e-s contre les violences, injures, menaces dont illes peuvent être victimes au cours de leurs fonctions.L’administration doit mettre en œuvre des mesures de prévention (intervenir auprès de l’agresseur-e par exemple), fournir une assistance juridique (remboursement d’une partie des frais, autorisations d’absence pour audiences), réparer le préjudice. La demande de protection fonctionnelle doit se faire de manière écrite au ou à la supérieur-e hiérarchique
Quelles actions de prévention ?
- Faire intervenir des associations
- L’association Estim travaille en concertation avec les équipes éducatives demandeuses : son intervention se construit en deux temps, sensibilisation et formation des équipes éducatives (apports théoriques, échange d’expériences professionnelles, jeu de rôle) puis séance auprès des élèves avec les équipeshttp://www.estim-asso.org/home
- Le MAG jeunes LGBT est une association basée à Paris, de jeunes LGBT de 18 à 26 ans, intervenant dans les établissements pour désamorcer les préjugés LGBTIphobes (questionnaire, projection de films, débat)
- Investir la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie
Elle a lieu le 17 mai. Ce peut être l’occasion de mener des actions de sensibilisation dans les établissements ce jour là : projections, débats, expositions. Notamment dans le cadre des actions du CESC. Et tout au long de l’année, se saisir des séances d’éducation à la vie affective et sexuelle.
- Faire de l’affichage pour sensibiliser
A destination des élèves, mais aussi des personnels, dans les salles des agent-e-s, des maitres-sses ou des profs.
SUD éducation revendique
- la mise en place dans la formation initiale de modules obligatoires sur les problématiques de genre, pour les futur-e-s enseignant-e-s (selon un volume horaire identique dans toutes les INSPE), et pour toutes les autres catégories de personnel (CPE, agent-e-s) ;