Pouvoirs, politique, mouvement social. L’articulation des trois termes a traversé l’histoire du mouvement ouvrier, et, en cette veille d’élections présidentielle et législatives, continue à interpeller. Dans une telle période, revenir sur cette question est un enjeu nécessaire pour « les jours d’après ». Indépendance et autonomie (les deux n’étant pas identique) ou, a contrario, « courroie de transmission » du « Parti », recherche d’un débouché politique aux luttes, tout cela continue de polariser les débats parmi celles et ceux qui veulent changer la société.
Nous avons d’abord fait le choix d’y revenir d’un point de vue historique. Trois contributions s’intéressent ainsi à la postérité de la Charte d’Amiens, texte fondateur du syndicalisme hexagonal adopté par le congrès de la CGT en 1906 fixant pour but la « double besogne, quotidienne et d’avenir ». Trois autres traitent respectivement de la CGT et du Programme commun d’union de la gauche (de 1972 à 1984) ; de la CFDT et des Assises du socialisme de 1974 ; du mouvement syndical face à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Un dernier article, rédigé par deux de ses signataires, revient sur ce qui était porté par les appels pour l’autonomie du mouvement social de la fin des années 1990.
Croisant les problématiques syndicales et féministes, deux articles de nos camarades Murielle Guilbert et Nara Cladera interrogent l’institutionnalisation au long cours de l’égalité professionnelle femmes/hommes comme l’indépendance du Féminisme vis-à-vis des institutions et de l’État. Une entretien avec le rédacteur en chef du journal local Le Postillon permet de détailler les rapports du mouvement social grenoblois à sa mairie « alternative ».
Des contributions de Verveine Angeli, Pierre Zarka et de trois camarades de SUD Énergie s’intéressent plus généralement aux liens du mouvement social au « politique ».
Mais nous avons également fait le choix de décentrer le regard sur la question en proposant des articles sur la réalité de ce que fût le syndicalisme soviétique, la place des mobilisations populaires dans les élections états-uniennes de 2021, l’attitude que le syndicalisme de lutte et de classe peut entretenir dans l’État espagnol avec les « mairies rebelles » et les rapports de la Centrale unique des travailleurs (CUT) du Brésil avec le gouvernement Lula de 2003 à 2011.
En varia, nous proposons dans ce dix-neuvième numéro des contributions sur la grève des agents du nettoyage de la fac de Jussieu, le « nouveau statut du salariat », la critique de l’économie politique, la crise sanitaire ou encore l’actualité de Pierre Bourdieu.
Ce numéro est dédié à la mémoire de Michel Desmars.